Approche de réduction des méfaits

Fanny-Louise Senécal, intervenante sociale d’Élixir

Parmi les différents cadres de référence avec lesquels Élixir travaille, l’approche de réduction des méfaits est au cœur de nos interventions. Notre mission étant de réduire les conséquences négatives liées à la consommation de substances psychoactives, nous sommes dans un positionnement de non-jugement et d’ouverture, nous cherchons à donner de l’information neutre afin de nous pencher davantage sur les conséquences de la consommation plutôt que sur sa prohibition.

Comme organisme en prévention des dépendances, nous avons choisi d’adopter l’approche de réduction des méfaits, c’est-à-dire une démarche dont le but est de diminuer les risques associés à la consommation de substance psychoactive, plutôt que l’élimination de celle-ci. Ainsi, les utilisateur.rice.s de substances psychoactives pourront développer des alternatives afin de réduire les conséquences négatives de leur usage tant pour eux.elles que pour leurs proches et la société. Ces conséquences peuvent affecter tous les plans de la vie (la santé physique, la santé mentale, le réseau social, le fonctionnement social, le travail, les études, etc.).

Cette approche comporte deux principes fondateurs selon Rosenbaum (1996). Ceux-ci sont le pragmatisme et l’humanisme. Dans un premier temps, dans le pragmatisme, nous comprenons que l’usage des drogues est une réalité avec laquelle il faut composer et y être tolérant. Puis, l’intervention doit tenir compte des coûts et des bénéfices de l’usage et porter sur les conséquences négatives. Aussi, l’intervention doit impliquer une hiérarchie d’objectifs prioritaires et réalistes. Dans un second temps, dans l’humanisme, nous travaillons en contexte de travail de proximité, où nous allons à la rencontre des usager.ère.s là où ielles se trouvent. Nous offrons aux usager.ère.s une variété de ressources et services en fonction de leurs besoins. Aussi, nous impliquons les usager.ère.s dans le respect de leurs droits et en favorisant l’empowerment (le pouvoir sur sa propre vie).

L’approche de réduction des méfaits est arrivée en 1980 lors de l’émergence du sida chez les personnes utilisatrices de substances injectables. Une nouvelle manière d’intervenir auprès des consommateur.rice.s est devenue nécessaire. C’est ainsi que les différentes réflexions sur des pratiques telles que la prescription d’opiacés et les sites d’injection supervisés ont débuté. Les politiques gouvernementales, comme la décriminalisation et la légalisation, font partie de l’approche de réduction des méfaits.

Nous devons partir de l’évidence que les gens consomment des substances psychoactives, qu’elles soient légales ou non. Également, malgré que certaines substances soient légales, leur consommation n’en est pas sans risque. C’est pour ces raisons qu’il est, selon nous, beaucoup plus bénéfique d’informer la population avec de l’information juste et neutre afin que les gens soient en mesure de prendre des décisions plus éclairées. Nous utilisons d’autres pratiques de réduction des méfaits, comme la distribution de matériel de consommation propre ainsi que le travail de proximité, le tout dans une optique de reprise de pouvoir sur soi, ses choix et sa vie. Élixir développe un comité d’analyse des substances afin de réfléchir sur cette pratique.

Cette approche a un réel impact sur les utilisateur.rice.s de substances psychoactives. Elle s’est montrée efficace dans l’amélioration de la qualité de vie des consommateur.rice.s, de la baisse de mortalité, de criminalité ainsi qu’en prévention des transmissions des ITSS.

Bien que l’approche de réduction des méfaits ait prouvé son impact positif, il peut être confrontant d’accepter des comportements qui vont à l’encontre des valeurs présentes dans la société. La toxicomanie fait généralement peur, on tente souvent de la cacher et d’éviter d’en parler en responsabilisant les consommateur.rice.s. On peut entendre : « Ils sont irresponsables », « Ils n’ont qu’à ne pas consommer », « Ce sont tous des junkies ». Ces idées préconçues ne tiennent pas compte des vulnérabilités que tout un chacun peut vivre, par exemple un deuil, un divorce, une dépression, la maladie, des douleurs chroniques, etc. Également, cette stigmatisation nuit grandement aux personnes qui vivent différentes conséquences de leur consommation de substances psychoactives.

L’approche de réduction des méfaits comprend autant une critique sociétale des problématiques qu’une responsabilisation des consommateur.rice.s. La législation et les services de l’État peuvent placer certaines personnes dans une situation de vulnérabilité. Afin d’aider ces personnes à réduire les conséquences de leur consommation et diminuer les risques de développer une dépendance, l’État doit fournir des outils et des cadres afin de répondre aux besoins de ces personnes. De ce fait, la responsabilisation de l’individu nécessite que ce dernier ait toutes les informations à sa portée pour faire un choix éclairé ainsi que des moyens concrets afin de vivre une vie décente, sécuritaire et qui répond aux besoins de base.

Entre autres, l’approche de réduction des méfaits peut être utilisée dans différentes interventions chez les travailleur.euse.s du sexe, chez les personnes en situation d’itinérance, en santé mentale et bien d’autres.

Depuis la légalisation du cannabis en 2018, la décriminalisation de certaines substances psychoactives est discutée. Il sera intéressant de voir comment les politiques gouvernementales à ce sujet se développeront.

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