Qu’en est-il de l’itinérance cachée des femmes?

Mélinda Carrier-Bernier,  intervenante stagiaire

Depuis plusieurs années, l’itinérance chez les femmes ne cesse d’augmenter et il manque considérablement de reconnaissance pour ces femmes et leur situation. Il est impossible de donner l’heure juste sur cette problématique puisque malheureusement, cette situation est davantage cachée que visible. Cette invisibilité s’explique par les différents stratagèmes qu’entreprennent les femmes pour éviter la rue et les refuges. 

Mais qu’est-ce qu’une personne sans-abri? Nous croyons qu’il s’agit d’une question que notre société ne se pose pas assez souvent. Être sans-abri n’est pas uniquement de ne pas avoir de logement fixe, c’est aussi tout ce qui englobe le milieu de vie. Une personne ayant un abri c’est aussi un individu qui se sent en sécurité et bien chez elle, ce qui n’est pas le cas pour beaucoup de personnes. Plusieurs femmes restent dans des milieux de violence, vivent avec plusieurs personnes dans des lieux insalubres ou doivent avoir recours à des faveurs sexuelles pour pouvoir continuer à bénéficier d’un toit. 

Par faute de ne pas avoir assez de lit dans les lieux d’hébergement, par faute du manque de refuge non mixte, par faute de ne pas connaître les organismes qui peuvent leur venir en aide et par faute de ne pas avoir accès aux ressources et de s’y sentir en sécurité, les femmes se doivent de dormir dans leurs voitures, de dormir dans des lieux ouverts 24 heures ou de dormir dans des lieux dangereux pour elles. Lorsqu’on parle d’itinérance cachée, c’est aussi toutes les femmes qui dorment d’un foyer à l’autre, passant par leurs ami.e.s pour éviter le milieu de la rue. Ces situations sont loin de favoriser le bien-être de ces femmes, mais pour elles c’est beaucoup mieux que de se retrouver dehors avec tout le danger que cela engendre.

Vous vous demandez, pourquoi les femmes évitent-elles les refuges? C’est parce qu’il y a davantage de refuges mixtes. La présence d’hommes dans ceux-ci génère de la méfiance chez les femmes. Plusieurs femmes, plus particulièrement celles qui ont vécu un passé de violence et/ou d’agression, craignent pour leur sécurité dans un milieu mixte. D’autre part, nous sommes dans une société patriarcale où l’on sexualise énormément le corps des femmes, ce qui augmente la vulnérabilité de celles-ci dans les refuges mixtes. Je vous vois déjà nous dire qu’il y a des milieux qui sont non-mixte, pourquoi ne vont-elles pas là-bas? Il y a quelques aspects qui expliquent ce fait, tel que les proxénètes. Les organismes qui accueillent des femmes qui sont en situation de vulnérabilité peuvent être accompagnés d’une personne proche qui souhaite recruter. Donc, les femmes qui souhaitent quitter la prostitution ne veulent pas croiser ce type de recruteur qui pourrait les remettre en danger. Les ressources sont responsables de ce qui se passe dans leurs établissements, mais dès qu’une personne se rend sur le trottoir elle est laissée à elle-même. Autre aspect explicatif est que ces femmes ne connaissent pas les ressources qui leur sont offertes et le transport pour s’y rendre est difficile.  

D’autre part, plusieurs raisons amènent une personne à consommer des substances, que ce soit pour avoir un peu de répit sur la situation, pour enlever certaines douleurs dues au manque d’accès à la santé, pour le plaisir ou pour oublier la situation dans laquelle elles sont ou ont vécu. Il est connu que beaucoup de femmes consomment des substances psychoactives lorsqu’elles se retrouvent à la rue. Étant donnée la précarité vécue, elles font face à beaucoup de risques, tels que lorsqu’elles consomment dans un endroit insalubre et qu’elles se partagent leur matériel de consommation. Consommer avec du matériel non stérile et insalubre peut augmenter la transmission d’ITSS et des infections. Il y aussi un grand risque d’overdose lorsqu’elles ne sont pas pleinement conscientes de leurs substances, des mixtes de substances qui sont à moindre risque ou à éviter et/ou du lieu où proviennent leurs substances. Étant donné leur précarité, certaines ne sont pas en mesure de s’hydrater et de manger suffisamment et cela peut représenter un grand danger pour elles, leur santé et leur expérience. Aussi, les alternatives qu’elles utilisent pour éviter la rue augmentent leur état de vulnérabilité. Elles sont ainsi, plus à risque d’être visées par des agresseurs et d’être victime de violences sexuelles, psychologiques, monétaires et physiques. Cela est sans compter le manque de protection lors des rapports sexuels qui augmente les risques d’ITSS et de grossesse non désirée. 

En somme, ces femmes devraient être davantage reconnues et  soutenues. Ce n’est pas parce que nous ne le voyons pas que la situation n’existe pas. Il est grand temps d’ouvrir les yeux sur l’itinérance cachée des femmes. La fragilité économique et sociale actuelle favorise une augmentation de la problématique et ça n’ira pas en s’améliorant. Nous aimerions faire un rappel que personne n’est à l’abri de vivre un jour dans cette précarité et si cela arrive, vous voudriez autant qu’elles que quelqu’un vous tende la main. 

Lorsqu’une personne vient au monde avec des organes génitaux féminins, cela veut aussi dire qu’elle naît déjà dans un monde d’inégalités et d’oppression. Les femmes en situation d’itinérances doivent faire face à une multitude d’enjeux que nous n’avons même pas nommée, mais qui mérite d’être réfléchie. Comment peuvent-elles réfléchir à trouver des alternatives pour des produits hygiéniques menstruels, quand elles n’ont même pas accès à un toit sur la tête?

Voici quelques ressources d’hébergement non-mixte, à Sherbrooke : 

Villa Marie-Jeanne, 115 Rue Galt Ouest, 819-821-2233

Villa Marie-Claire, 470 Rue Victoria, 819-563-1622

Projet APPART, 819-791-0400

Armée du Salut, 101 Rue Wellington Sud, 819-566-6298

Voici quelques ressources si tu vis de la violence conjugale :

L’Escale, 819-569-3611

La méridienne, 819-877-3050

Services en dépendances à Sherbrooke :

Centre de prévention des surdose, 505 Rue Wellington Sud, 819-823-6704

Élixir, 333 Rue du Québec, 819-562-5771

Service alimentaire :

La Chaudronnée, 470 Rue Bowen Sud, 819-821-2311

Autres services :

Coalition Sherbrooke du travail de rue, 33 Rue Brooks Suite 102, 819-822-1736

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