Et si la consommation n’était pas un vice, mais une douleur non entendue?
Carole-Ann Bouchard, intervenante
Dans notre société, les dépendances sont souvent perçues comme des faiblesses, des erreurs de parcours, des choix volontaires. On stigmatise les personnes qui consomment des substances, qui jouent de manière compulsive, ou qui passent des heures devant un écran comme si elles manquaient de volonté. Mais que se passerait-il si, au lieu de juger ces comportements, on les écoutait?

Et si derrière chaque dépendance, il y avait un appel au secours, un besoin d’apaisement, une tentative, parfois maladroite, mais profondément humaine, de se reconstruire ou de survivre? Les femmes qui vivent avec une dépendance sont souvent doublement stigmatisées : en tant que personnes «dépendantes», et en tant que femmes qui ne remplissent plus les attentes sociales (mère parfaite, conjointe dévouée, professionnelle irréprochable…). Les femmes ont grandi en se faisant éduquer, année après année, siècle après siècle, à prendre soin des autres avant elles-mêmes. À taire leur douleur, à « tenir le coup », à ne pas déranger. Alors quand la douleur devient trop forte, la consommation peut apparaître comme une solution de dernier recours, ou même comme une solution temporaire, à un problème permanent. Un moyen de reprendre du pouvoir, de faire taire la souffrance, de gérer ce qui est trop lourd à porter seule. Et dans ce contexte, la honte devient un obstacle immense à la guérison. La peur d’être jugée, étiquetée, ou arrachée à ses enfants pousse de nombreuses femmes à se cacher… et à souffrir en silence. On les juge sévèrement :
- «Elle n’a qu’à arrêter.» : C’est oublier que les dépendances sont rarement des choix. Elles sont souvent liées à des traumas, des troubles de santé mentale, ou des environnements oppressants. Ce n’est pas une question de volonté, mais de manque d’alternatives, de sécurité émotionnelle et de soins accessibles.
- «Une femme qui consomme est une mauvaise mère.» : Cette idée renforce l’image de la femme comme ayant uniquement le rôle parental. Elle nie la souffrance, les pressions et les réalités complexes que vivent certaines mères. Ce n’est pas la consommation en elle-même qui rend une femme dangereuse pour ses enfants, c’est l’absence de soutien, l’isolement, et le manque de ressources.
- «Elle cherche l’attention.» : Non, elle cherche peut-être du soutien, de l’écoute, du lien humain. Ce préjugé méprise le besoin fondamental de connexion qui se cache derrière bien des comportements compulsifs.
- «C’est une fille facile, elle se dégrade» : Ces commentaires sexistes renforcent l’idée qu’une femme doit être propre, sage et maîtrisée. Quand elle sort de ce cadre, elle devient « indésirable », voire déshumanisée. Mais une femme qui consomme n’a pas moins de valeur. Elle reste une personne entière, digne de respect et de soins.
Ces phrases blessent, isolent, et ferment la porte à l’écoute. Elles empêchent d’aborder ce qui se cache derrière : les causes, les blessures, les carences affectives, les traumas non résolus.
Pour les gens qui fument, fumer, c’est souvent vouloir «inspirer» autre chose que sa réalité. Jacques Martel a déjà dit : «La cigarette est liée à un besoin de remplir un vide intérieur, souvent un manque affectif ou un rejet de soi-même.» Souvent lié à la peur de l’abandon, une difficulté à exprimer ses émotions et à un besoin d’exister autrement. Pour les personnes consommant du cannabis, ça peut être une recherche de paix dans un mental trop bruyant, un besoin de se détacher de la souffrance intérieure, une peur de ressentir pleinement la vie. Derrière cette consommation, il y a souvent un besoin de répit, de silence intérieur, de fuir la pression ou les conflits. (MARTEL, JACQUES, Le grand dictionnaire des malaises et des maladies, 1998, p.139-140)
Nous avons régulièrement entendu cette phrase : « je bois pour oublier», avec cette question pas trop loin derrière : « oui, mais pour oublier quoi?» On sait que l’alcool est traité par le foie, mais savez-vous que le foie est l’organe symbolisant la colère, la frustration et la tristesse refoulée? La consommation d’alcool peut alors être lié à des émotions enfouies, des blessures non digérées et un besoin d’amour en plus d’une sensation d’être seule.

Et si au lieu de juger…on écoutait ce que l’âme veut dire? Chaque addiction est un message du corps, un appel à guérir, pas à condamner.
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